BERTHE Salegos

Berthe a trés tôt vécu dans différents pays pour se partager entre Paris, New York, Sydney et Rio de Janeiro. Autant de villes et de continents aux architectures et coutumes différentes. Cette dégéolocalisation permanente n'est sans doute pas totalement étrangère à son travail qui montre une fascination pour l'impermanence de la matière.
 
Les phénomènes d'instabilités physiques sont souvent les points de départ et d'inspiration de ses réalisations. L'artiste trouve dans l'exploration de l'écoulement du temps et l'observation de la durée d'un espace-temps, les moyens de renouveler une perception du monde de tous les instants.
 
Elle utilise les technologies informatiques pour développer des installations qui tout en explorant l'architecture de nos mémoires abordent un classique en art, celui de l'immuable transformation entre le corps, l'espace et le temps. Les installations s'imprègnent du lieu et du temps d'exposition pour en révéler une transformation, qui dans notre quotidien ou relative à l'échelle des Temps, nous est souvent à peine perceptible.
 
Les oeuvres ainsi installées sont souvent évolutives et génératives. Elles se modifient lentement. Leur changement d’état s’opère de façon imperceptible aux yeux des visiteurs durant la durée de l’exposition. Elles se modifient soit en réponse directe à l'environnement dans lequel elles s'inscrivent, soit par la présence du public. La rencontre entre la technologie et les matières 'vivantes' sont des points d'expérimentation important pour l'artiste. Basé sur les trois préceptes scientifiques (hypothèse, observation, conclusion), l'échelle de l'oeuvre est souvent donnée au cours de son expérimentation dans le lieu qui la reçoit.
 
L'imprévu, l'inimaginé, la surprise, l'incontrôllable, ce que l'artiste résume sous la forme du 'laisser faire' façonnent les formes de l'oeuvre mise en place tout autant que son sens et nourrissent les perceptions sur notre monde. Qu'elles interrogent nos références à l'architecture d'un code informatique (14mn Appointment), à celle de notre fréquentation ou l'accoutumance à un lieu d'exposition (Memory is a fake mirror) ou voire encore à l'architecture interne de micro-organisme face à son milieu environnant (Landscape vs Portrait), ces installations nous rappellent à quel point l'idée du changement est une condition propre à la vie.
A travers cette fascination pour la mémoire, et en particulier pour la mnémotechnique, Berthe apparemment se concentre sur ce qui est de nature éphémère. Ce qui lui fait aborder différents médiums par leurs conditions génératives et évolutives, mais aussi à leurs capacités à l'effacement et à la perdurabilité, tout comme l'est la mémoire et l'oubli à la condition humaine.
 
Insidieusement, à l'image des technologies numériques qu'elle emploie, les installations plongent le public vers une expérience où les qualités perceptives sont mises en éveil. L'artiste aime placer le public dans un état de présence au présent en le familiarisant avec de l'à peine perceptible. Etat de présence, perte de maîtrise, 'laisser faire', son corps de travail induit par la notion d'impermanence, est une recherche qui aujourd’hui se révèle pertinente, puisque nos moyens de communications actuels, réseaux sociaux, l'internet, nous permettent une quasi-ubiquité de nous-même, celui de pouvoir être, à l'instant présent, dans plusieurs 'lieux', 'loggia' en même temps.
 
« Bien au-delà que cela puisse paraitre, nous ne vivons plus dans une architecture 'permanente' mais plutôt dans une architecture en état de devenir ...» nous dit l'artiste, « ceci est d'autant plus visible avec les softwares, empreints dans tous les rudiments de nos vies. Au fil du temps, nous construisons 'a sensored architecture' qui nous 'sensored' en retour, c'est à dire qu'elle 'sensorise' l'architecture corporelle humaine. Elle en modifie notre motricité, notre notion d'espace et de temporalié, tout autant qu'elle éprouve notre mémoire. Etre mise en présence avec des phénomènes physiques générateurs de transformation fabriquent de nouvelles intuitions tout autant que de nouvelles perceptions tant mentales que physiques.»